Ah ! la femme indienne fait naître les fantasmes dans les cœurs occidentaux avec sa peau mate, sa danse du ventre et sa pratique du kama sutra… Moi, la place de la femme indienne dans la société ne me fait pas rêver ! Petit tour d’horizon des pratiques ancestrales et des débats de société contemporains.

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Ca, c’était avant !

Pauvres reines rajputes…

Les Maharajahs du Rajasthan étaient de fiers guerriers. Ils construisaient des forteresses quasiment imprenables. Ainsi le fort de Jaisalmer peut se targuer n’être tombé que trois fois. Heureusement pour ses habitants ! Car comme le déshonneur est pire que la mort pour un guerrier rajpute, il préférait mourir plutôt que de se rendre. Et ses pauvres épouses et maîtresses, qui n’avaient rien demandé, pratiquaient le johor : elles psalmodiaient toute la nuit et revêtaient leur plus belle robe avant de rejoindre leur roi dans les flammes. Le dernier suicide collectif des veuves d’un Maharaja rajpute, au fort de Mehrangargh à Jodhpur, date de 1843.

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Cachez ce sein que je ne saurais voir…

Inde Jodhpur jali 2Le purdah est une pratique musulmane qui consiste à protéger les femmes des regards concupiscents des hommes. Il se manifeste par différentes techniques. Les forts des Maharajas rajputes, par exemple, étaient tous équipés de jalis. Il s’agit de murs de pierre ciselés, qui posaient comme un écran entre les femmes et le reste du monde. La lumière entrait par les jalis et les femmes avaient pleine vision de ce qui se passait à l’extérieur des murs. Par contre les hommes ne pouvaient rien deviner de ce qui se passait à l’intérieur.

Autre technique pour favoriser le purdah, les déplacements en palanquin. Alors que les hommes étaient portés sur des palanquins ouverts, ceux des femmes étaient fermés. Ce qui a valu une petite frayeur à la grand-mère du Maharadja actuel de Jodhpur. En 1925, c’est la première reine rajpute à sortir de son pays pour visiter l’Angleterre. Elle effectue tous ses déplacements à l’abri du regard des hommes, montée dans un palanquin voilé dès sa sortie de la Rolls Royce. Les paparazzis anglais, peu habitués à tant de pudeur, partent à la chasse au cliché compromettant. L’un d’eux réussit à photographier… la cheville de la reine rajpute ! Scandalisés, les proches de la famille royale achèteront tous les exemplaires du journal alors publié dans les bacs anglais pour éviter que le scandale ne se propage jusqu’aux portes de l’Inde !

Inde Amritsar femmes temple d'or

Leçon de séduction

Avant sa sortie amoureuse, la femme européenne s’épile, se douche, porte des sous-vêtements sexy, enfile une tenue affriolante, se maquille et se coiffe. Une touche de parfum, quelques bijoux, et la voilà prête ! Chez les femmes rajputes, « se faire belle » constituait à respecter le shringar, une série de 16 rituels traditionnels à suivre en matière d’ornement :

  • elles décorent la paume de leurs mains et la plante de leurs pieds avec du henné
  • elles accentuent les lignes de leurs yeux avec du Kohl noir
  • elles accentuent le rouge de leurs lèvres avec de la cire d’abeille
  • elles peignent la tika sur leur front avec du vermillon
  • elles se parent de bijoux de la tête aux pieds : bracelets d’or, boucles d’oreilles en diamants, amulettes, chaînes de chevilles, anneaux de nez, colliers, anneaux d’orteils.
  • elles enfilent des vêtements de soie et de coton brodés de fils d’or
  • elles serrent leur taille d’une ceinture
  • elles peignent leurs cheveux à l’huile parfumée et les ornent de fleurs
  • elles parfument leur haleine avec des clous de girofle (les chewing-gums de l’époque)

Alors seulement sont-elles prêtes pour l’amour…

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Heureusement, l’évolution des mœurs fait que les femmes ne se suicident plus pour rejoindre leur mari dans la mort. Mais certaines traditions ont la vie dure.

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Des traditions ségrégationnistes qui posent aujourd’hui le problème de la parité homme / femme

Mariage

Si hommes et femmes sont égaux, c’est dans la toute-puissance qu’ont leurs parents à choisir leur concubin(e). Mais les femmes restent les grandes perdantes du mariage, et ce pour trois raisons :

  • L’emménagement dans la belle-famille : lorsqu’une femme se marie, elle quitte sa famille pour vivre dans celle de son mari. C’est souvent un déchirement pour elle qui n’a connu qu’un agréable cocon familial et qui déserte son village définitivement. De plus, comme la plupart des femmes ne travaillent pas, elles entrent plus ou moins au service de leur belle-mère. Leurs relations ont plutôt intérêt à être bonnes !
  • La dot : non seulement les parents perdent-ils leur fille, encore leur faut-il apporter une dot à la famille de son mari, puisque c’est celle-ci qui prendra en compte les dépenses liées à la femme à partir du mariage. Le montant de la dot diffère bien sûr en fonction du niveau de vie de la famille, mais celle-ci doit bien souvent s’endetter pour fournir aux chanceux linge, machines à laver et autres voitures.
  • L’avortement : pour les raisons évoquées ci-dessus, la plupart des parents pauvres tentent par tous les moyens de connaître le sexe de l’enfant qui va naître. Si c’est une fille, ils recourent bien souvent à l’avortement pour éviter de s’endetter à vie. Heureusement ou malheureusement, les médecins ont interdiction de révéler à leurs patients le sexe de l’enfant. Mais en Inde, la loi est bien rarement respectée.

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Ségrégation

Si le purdah n’est plus en vigueur aujourd’hui, les femmes des villages continuent de cacher leur visage sous leur voile en présence d’un homme, pour « cacher leurs émotions » selon les pratiques en vigueur dans les danses rajputes. Leurs vêtements traditionnels, saris et salwar kameez, couvrent au minimum les épaules et les jambes, et dans la majorité des cas, les bras également.

Dans le train local de Mumbai, il n’existe pas de voiture mixte. Les femmes embarquent dans des wagons qui leur sont réservés, protégés par un gardien. A la nuit tombée, les femmes disparaissent quasiment des rues. Si vous voyagez de nuit, en train ou en bus, vous ne verrez jamais de femme seule. Si madame se déplace, c’est pour accompagner monsieur.

Finalement, si toutes ces pratiques de « cache-cache aux yeux des hommes » représentent des mesures de protection envers les femmes, on est en droit de se demander comment faire pour que mesdames cessent de constituer des objets de convoitise pour messieurs.

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Viol et violences conjugales

Inde New Delhi affiche protection femmesDébut 2013 à Dehli, les femmes manifestent pour que le viol collectif de cette jeune fille dans un bus en pleine nuit soit puni comme il se doit. Des affiches placardent tous les murs de la ville pour que nulle femme n’ignore le numéro de téléphone à appeler en cas de violences conjugales. Dans les villages, certains hommes continuent de tuer leur femme sans être inquiétés par les autorités. Il suffit d’ouvrir le journal pour y découvrir de multiples cas de viols plus atroces les uns que les autres. Comme celui de cette gamine de 2 ans et demi par un enfant de 11 ans. Comme celui de cette gamine de 11 ans, violée puis tuée par ses deux agresseurs. Comme celui de cette femme qui était seule chez elle avec deux amis de son mari. Cinq hommes débarquent, eux aussi des amis de son mari soi-disant, et les sept hommes passent leur nuit à assouvir leurs désirs sur elle. Les touristes ne sont pas laissés pour compte. En mars, une Suisse, qui campait avec son mari en pleine forêt, est agressée sexuellement par sept hommes. Les viols sont souvent le fait de bandes de 5 à 7 jeunes hommes frustrés, en manque d’éducation, sous l’emprise de l’alcool et parfois armés. Ces phénomènes ont pour conséquence de littéralement terrifier les Indiennes, qui n’osent plus sortir de chez elles à la nuit tombée. C’est le cas d’Alka qui, malgré ses jeunes années passées et ses kilos superflus, ne se déplace ni à pied, ni en rickshaw dès que le soleil s’est couché, même en voyage d’affaire. C’est le cas de Kalpana, cette jeune fille de 21 ans, qui recherche ma compagnie dans le train de nuit parce qu’il n’y a que des hommes dans son compartiment. Le viol est puni par la loi indienne, encore faut-il que cette loi soit appliquée.

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Attention, ces allégations sont celles d’une occidentale sur les conditions de la femme indienne ! Je chéris ma liberté parce que c’est dans ce principe que j’ai été élevée. Les femmes indiennes, qu’elles soient éduquées ou non, ne semblent pas malheureuses de leur situation, qui leur apparaît comme étant « normale », puisqu’elles n’en ont jamais connu d’autre. Il suffit de les croiser entre copines, à jouer avec leurs enfants, pour ne point douter de leur bonheur. La systématisation de l’éducation et l’accès libre aux réseaux de communication internationaux devraient peu à peu amener la femme indienne à toucher du doigt l’égalité avec le sexe opposé, comme en Europe il y a finalement à peine plus de 50 ans.

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