Inde baby home maisonQuand on pénètre l’espace réservé au TCV (Tibetan Children Village) à McLeod Ganj, on entre sur un véritable campus. Les bâtiments austères se succèdent les uns après les autres, tantôt les immenses murs derrière lesquels on devine les salles de classe où 2000 élèves suivent attentivement les cours de leurs professeurs, tantôt les petites maisonnettes qui servent d’internat à ces jolies têtes brunes. Ces maisonnettes rassemblent 10 à 15 enfants, en fonction de leur sexe et de leur âge, et sont tenues chacune par un adulte.

Le TCV existe depuis plus de 50 ans. En 1960, quand les premiers réfugiés affluent du Tibet à McLeod Ganj, ils vivent dans des camps de fortune. Le Dalaï Lama, soucieux des conditions de vie de son peuple, est à l’origine de la première nurserie pour les enfants des réfugiés tibétains basés sur les pentes de l’Himalaya. Le terrain sur lequel naît le campus du TCV a été acheté par la communauté tibétaine à un particulier indien.

Le secrétaire général du TCV est le mieux placé pour me parler de l’association. Séquence interview.

Comment fonctionne le TCV ?

TCV est une ONG qui fournit une éducation aux enfants tibétains, ainsi que des bourses pour leurs études universitaires. Aujourd’hui dans toute l’Inde, il y a 80 écoles tibétaines gérées par le gouvernement indien, qui sont graduellement confiées à l’administration du TCV, mais continuent de fonctionner selon la loi indienne. Cela représente 14000 enfants dans toute l’Inde, dont 2000 à McLeod Ganj. Si l’on compte les professeurs tibétains qualifiés et le personnel administratif, TCV embauche environ 200 salariés. Nous ne faisons pas appel aux volontaires, pour ne pas perturber le bon déroulement des cours.

Quelles sont les matières enseignées ?

Les mêmes que dans les écoles occidentales : maths, sciences,… En termes de langues, le tibétain est bien sûr la langue principale pour tous les cours. L’anglais est enseigné dès la classe 1, c’est-à-dire dès l’âge de 6 ans, et l’hindi fait office de troisième langue. Cette école a aussi pour vocation de perpétuer la culture tibétaine auprès des enfants originaires du Tibet. C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que certains parents tibétains envoient leurs enfants à McLeod Ganj. Ils y suivent des cours sur le bouddhisme, la culture tibétaine, ses chants et ses danses.

Quel avenir pour les enfants du TCV ?

Nous fournissons à nos élèves une éducation de qualité. Ils étudient dans des conditions difficiles et ne voient leurs parents que rarement. Ils rêvent tous de retourner au Tibet après l’obtention de leur diplôme, mais c’est difficile, voire impossible à l’heure actuelle.

Qui finance l’école ?

L’école est financée par différentes associations internationales comme SOS Kinderdorf International ou Aide à l’Enfance Tibétaine. L’Allemagne est le pays qui nous soutient le plus financièrement. Nous ne recevons aucune aide du gouvernement indien.

Quels sont vos besoins ?

Inde baby home livresNotre plus gros besoin est financier. Nous avons besoin de sponsors, en direct auprès du TCV ou par l’intermédiaire d’associations locales comme Aide à l’Enfance Tibétaine. Le sponsoring consiste à verser tous les mois 30€ pour les frais de scolarité d’un enfant tibétain. Nous intégrerons entre 500 et 600 nouveaux étudiants à la rentrée prochaine. Il est difficile de trouver des sponsors pour les adolescents, tous préfèrent parrainer un petit. D’autre part, nous avons une liste de projets pour lesquels nous avons besoin de soutien financier, comme la rénovation des bâtiments. Enfin, continuez à parler de la situation au Tibet autour de vous, pour que la pression internationale ne se relâche jamais !

Inde baby homeLe Baby Home, tenu par NC, est l’institution qui accueille les enfants les plus jeunes du TCV. Agés de 6 mois à 4 ans, pour la plupart sans famille ou issus de parents trop pauvres pour subvenir à leurs besoins, ils sont éduqués par des femmes spécialement formées au contact des enfants, à la fois fermes et affectueuses, les amalas. Il y a environ 1 amala pour 4 enfants, 3 ou 4 en permanence durant la journée, qui se partagent les tâches quotidiennes de la vaisselle, du linge, de la cuisine,…

Dans la cour, les enfants s’amusent sans jouet : c’est fou comme ils s’émerveillent d’un bâton, d’une feuille ! Ils ne sont pas farouches avec les étrangers : j’ai droit à des sourires et des câlins. Ils essaient tant bien que mal de m’apprendre un jeu de mains mais s’esclaffent devant mon incompétence à les comprendre et à les suivre ! Fin février, en pleines vacances scolaires, seuls 12 enfants sont présents sur les 28 gardés par NC. Cette dernière est assise sous un arbre et tient ses comptes sur un cahier avec la trésorière.

Qui sont ces enfants recueillis par le Baby Home ?

Nous n’accueillons que les nécessiteux. Il peut s’agir d’enfants dont les parents sont trop pauvres pour subvenir à leurs besoins. Deux des enfants recueillis ont été abandonnés. D’autres arrivent à dos de sherpa du Tibet car leurs parents, en danger, ont préféré leur faire traverser la chaîne himalayenne dans des conditions difficiles pour les sauver et perpétuer leur culture, plutôt que de les garder avec eux au Tibet. Il y a 6 ans, un couple tibétain nous a confié son enfant avant de retourner au Tibet. Aujourd’hui la mère et morte et le père en prison. Enfin nous recueillons des orphelins, des semi-orphelins et des enfants de parents divorcés. Nous accueillerons deux bébés de plus, âgés de 6 mois / 1 an, à partir de la semaine prochaine.

C’est l’heure de déjeuner. Les enfants font preuve d’une discipline exemplaire dont serait envieux tout parent européen ! C’est un cortège quasiment silencieux que je vois passer aux toilettes puis se laver les mains aux robinets de la cour, avant de rejoindre la salle à manger et d’entamer la prière.

Nous sommes obligés de les rendre autonomes dès leur plus jeune âge. Ils savent s’habiller et aller aux toilettes seuls !

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Les chambres des enfants, impeccables, sentent bon la joie de vivre. Elles sont dotées d’une dizaine de lits en bois, offerts par une association scandinave, et personnalisés au nom et à la photo de son petit habitant. Chacun a ses peluches, ses propres vêtements. Les plus petits, qui ne savent pas encore se rendre aux toilettes en cas de besoin, ont de la paille sur leur drap pour absorber les liquides.

Inde baby home chambre 1Inde baby home chambre 2

Inde baby home alphabetDans les couloirs du Baby Home, au milieu des dessins d’enfants et des photos, les murs affichent aussi les alphabets, en sanscrit et en anglais.

Nous apprenons aux enfants quelques mots d’anglais, leur dernière année au Baby Home, pour qu’ils puissent interagir avec leurs sponsors.

Les sponsors ont en effet l’autorisation, s’ils le désirent, de venir voir l’enfant qu’ils parrainent au Baby Home, voire de passer un peu de temps avec eux à McLeod Ganj. Pour exemple cet Américain qui a emmené en voyage la petite fille qu’il sponsorisait pendant 2 mois dans toute l’Inde.

Henriette aide NC quelques mois par an. C’est à l’âge de 15 ans qu’elle entre en contact avec l’Inde pour la première fois, par correspondance avec un Indien. Elle attendra 15 ans de plus pour lui rendre visite. A cette époque, les villages indiens ne possèdent pas de cuisine et Henriette bout son eau pendant 20 min avant de la rendre potable.

Aujourd’hui retraitée, Henriette a 66 ans et elle est bénévole en Inde depuis 3 ans. Elle élit d’abord domicile dans le Sud de l’Inde, à Chennai, où elle vient en aide aux 250 enfants d’un bidonville, avant de tomber amoureuse de l’Himashal Pradesh, au Nord de l’Inde, et de McLeod Ganj en particulier. Son objectif : porter secours aux enfants de la rue. Chaque année, elle partage le quotidien des enfants du TCV, de plusieurs semaines à plusieurs mois.

Outre les activités quotidiennes, nous organisons également des sorties pour les enfants qui n’ont pas de famille et qui restent au Baby Home pendant les vacances scolaires. Ainsi nous les avons emmenés à Delhi en février. C’était la première fois qu’ils prenaient le métro ! Ils étaient tellement excités !

Son bénévolat ne s’arrête pas là. Insatisfaite à l’idée de limiter son travail à se rendre au chevet des enfants démunis, Henriette éveille la curiosité des Français pour les situations de profonde détresse dans lesquelles ils se trouvent en promouvant l’artisanat local. Elle vend ainsi des pièces fabriquées à la main, la plupart du temps par des femmes, à ses copines, des écoles, des associations. Tous les bénéfices de ses ventes sont bien sûr reversés au TCV.

Autres bénévoles

M., employé dans l’informatique en France, voulait prendre un congé solidaire. Il a frappé à la porte de Planète Urgence, une association française qui apporte son aide au développement de l’humain, de la faune et de la flore. L’agence l’a envoyé 15 jours dans le village de Marakkanam, dans le sud de l’Inde, enseigner word et excel à des intouchables pour le compte de l’association PWC (People Welfare Center). Entre autres activités, cette organisation propose des cours du soir pour les enfants qui travaillent dans les champs la journée, ainsi que des cours d’informatique et de gestion pour développer l’éducation des intouchables. Je le rencontre à Mamallapuram, ville touristique d’Inde en bord de mer. Il a du mal à apprécier la présence de tant de touristes nonchalants, lui qui a passé du temps dans un village où il était le seul « blanc », en contact permanent avec les locaux.

Je n’ai pas seulement été le professeur de ces intouchables, j’ai également partagé leur quotidien ! Du coup ils me racontaient les anecdotes de leurs villages et de leur caste. Par exemple, il y a quelques mois, une femme intouchable riche a épousé un homme intouchable pauvre et l’a rejoint dans sa famille, comme le veut la tradition. Dépité à l’idée que sa fille vive dans des conditions aussi précaires, son père s’est suicidé. Pour le venger, les membres de son village ont incendié celui des pauvres. Bilan : 200 maisons brûlées et 60 morts.