Les Chinois ont tendance à transformer de magnifiques sites touristiques en parcs à thème efficaces mais extrêmement chers : il faut débourser entre 60 et 200 yuans (7 à 25€) pour se donner l’opportunité d’admirer les attractions les plus dignes d’intérêt. Malgré ces prix décourageants, les habitants sont de plus en plus nombreux à quitter leur province pour explorer les voisines… trop nombreux en fait… Mais que vous soyez adeptes de sites naturels (Tian Chi, Hua Shan) ou historiques (Palais d’Eté, Cité Interdite, Armée en terre cuite, Grande Muraille), vous devrez faire avec… Avec quoi exactement ? Préparez-vous à affronter le pire de ce qu’un baroudeur peut redouter : la foule et le bruit ! Les Chinois ont réussi à adapter l’adage « ta liberté se termine là où commence celle des autres » à leur sauce.

Prenez un film d’auteur et transformez-le en film à gros budget, bardé d’explosion mais sans scénario… Voilà ce que le gouvernement fait des sites dignes d’intérêt : il les réduit en divertissements pour ignorants, et ce n’est pas pour déplaire aux Chinois. Bon j’exagère… Si le karez de Turpan a été aménagé de façon kitsch dans une fausse grotte, ses murs sont bardés d’explications plus intéressantes les unes que les autres sur la façon dont les habitants du désert récupéraient l’eau de la fonte des neiges pour s’approvisionner. Mais il est frustrant, lorsque l’on s’arrête pour les lire, de se faire bousculer par une horde de touristes que ces panneaux n’intéressent pas le moins du monde ! On dirait que le Chinois moyen a pour objectif de visiter un site en moins de 15 minutes : veni, vidi, vici comme disait l’autre, je peux cocher ma checklist !

Avec les Chinois

Avec les Chinois

 

Sans les Chinois

Sans les Chinois

Par contre il accorde toute son attention aux emplacements les plus photogéniques… pas pour capturer la beauté d’un paysage le temps d’un cliché bien sûr, mais pour montrer à ses amis et à sa famille qu’il y était ! Qu’il s’agisse d’inscriptions calligraphiées, de montagnes magnifiques ou de statues, tout est prétexte à une photo qui mette en exergue son personnage principal : le touriste ! Mais pas dans n’importe quelle position : le Chinois se sent obligé d’imiter la gestuelle des statues, de faire le « v » de la victoire, d’étendre ses bras comme s’ils contenaient le monde,… et de multiplier le nombre de clichés par le nombre de personnes avec lesquelles il effectue la visite : moi seul, moi avec maman, moi avec papa, moi avec maman et papa,…

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Si ces aspects du tourisme à la chinoise peuvent vous faire sourire ou lever un sourcil, le pire réside dans ce que les mouvements de foule et le bruit qu’ils engendrent coûtent à vos yeux et vos oreilles. Le Chinois ne se déplace jamais seul (le baroudeur, qui plus est s’il s’agit d’une femelle, est jugé courageux), mais en groupe. Il suit de près son guide, facilement reconnaissable à l’immense drapeau qu’il agite au-dessus de sa tête et au microphone qu’il brandit à sa bouche. Pour reconnaître ses pairs, le Chinois s’affuble d’un signe distinctif : tous une casquette orange, un foulard vert, un bracelet rouge, un T-shirt « make travel easy », voire un badge avec son nom ! La pollution visuelle est telle qu’il vous faudra attendre longtemps, voire indéfiniment, avant d’aspirer à prendre un cliché digne de ce nom !

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Visite chinoise 2Mais la pollution sonore est sans doute ce à quoi il est le plus difficile de se soustraire. Sur la Grande Muraille, le Chinois se sent obligé de courir dans les descentes et les montées, et de crier pour signifier sa présence au reste du groupe (ou pour vérifier l’écho, je ne sais pas trop). Il n’hésite pas à répondre au téléphone en pleine visite… Imaginez-vous en train de parler sur un chantier où les pelleteuses sont en activité, vous aurez une idée du volume sonore d’une conversation téléphonique chinoise ! Qu’ils sont bruyants !

Vous aspirez à l’isolement ? au silence ? Quittez la Chine ! Ou venez découvrir ce magnifique pays en semaine au cœur de l’hiver peut-être ? Certains sites restent heureusement ignorés des hordes chinoises. Faîtes un tour à vélo sur les remparts de Xi’An à la tombée de la nuit, baladez-vous dans le village ming de Zangbi Cun, isolez-vous sur la rive ouest du lac du Palais d’Eté, visitez les hutongs de Beijing une fois la nuit tombée, et vous pourrez aspirer à un peu de calme. Et croyez-moi, vous le chérirez, ce calme : il est si difficile à trouver !