Premier regard sur Delhi, de l’avion : on ne voit rien… Un brouillard opaque enveloppe la ville et ne se dissout que vers 9H du matin.

Mon 1er récit de voyage et déjà, l’angoisse de la page blanche : qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire de positif sur Delhi ?

Oui, Delhi est sale : clairement, ses habitants ne connaissent pas les poubelles, encore moins le tri sélectif ! Les rues sont jonchées de déchets, parfois des monticules d’ordure attirent chiens errants et oiseaux. Les routes sont poussiéreuses, les draps des chambres ont une hygiène douteuse, les Indiens crachent par terre.

Oui, Delhi est bruyante : quelle que soit la rue que vous prenez, les grands axes comme Connaught Place ou les allées plus étroites des bazars de Chowri ou Sitaram dans Old Delhi, vous assisterez à un concert de klaxons. A Delhi, les klaxons remplacent les feux tricolores (il y en a peu), les passages pour piétons et les voies de dépassement (il n’y en a pas). Les routes de Delhi sont anarchiques: voitures, bus, scooters et vespa côtoient rickshaws motorisés ou à pédales et vélos, qui se dépassent incessamment en essayant de trouver une place dans le flot des véhicules. Pour ne pas heurter ses congénères ou les piétons, il faut bien avertir de sa présence ! Qui a parlé de code de la route ? Quant aux piétons, ils ont la double responsabilité de ne pas se faire écraser en slalomant au milieu des véhicules qui ont la courtoisie de ralentir (pas s’arrêter) par un geste de la main, et de ne pas renverser les vélos et rickshaws à pédales dans les rues étroites et bondées des bazars.

Conseil du pro: prendre un rickshaw à pédales dans les bazars, on s’évite le stress de renverser ou de se faire écraser et on devient observateur plutôt qu’acteur de cette cacophonie routière !

Oui, Delhi est odorante : si seulement il s’agissait de l’odeur des épices, même forte et étouffante… Mais non, les vapeurs d’essence et les relents d’urine ont vite fait de prendre le pas sur les alléchantes odeurs de cuisine ! Delhi est polluée, bien plus que Tokyo ou que Paris, et les pissotières publiques et à l’air libre pour les mâles côtoient les arrêts de bus et débordent allègrement.

Pourtant, la saleté, le bruit et l’odeur ne sont pas des choses qui m’effraient. Le cauchemar de Delhi, à mes yeux, c’est l’escroquerie. Baroudeur débutant, ne fait pas de Delhi ta 1ère escale, ou tu risquerais le dégoût à vie ! Je peux me targuer d’avoir échappé à toute tentative d’escroquerie au cours de mes précédents voyages, mais là, le professionnalisme et le réseau des rabatteurs m’a laissée sans voix. La plus grosse arnaque consiste à détourner le touriste de la gare ferroviaire pour acheter son billet de train dans un bureau informel, où il ressort avec un package pour le Cachemire dont il n’avait pas envie à la base (le Jammu et Cachemire n’est pas la zone la plus sécurisée, Inde et Pakistan se battent depuis des décennies pour la posséder. Dommage, c’est dans cette région que se trouvent Leh, le Ladakh et les plus beaux treks). Des touristes se font régulièrement avoir et cette pratique est fortement décriée dans mon guide. Mais même en le sachant… Quand vous n’entrez pas à la gare ferroviaire par la bonne esplanade, et que vous montez au 1er étage comme indiqué par le guide et malgré les dires des rabatteurs, quand vous découvrez qu’effectivement, au 1er étage, l’International Tourist Bureau n’existe pas, quand 3 personnes différentes vous donnent la même adresse de déménagement dudit bureau, quand vous n’avez pas dormi les 48 dernières heures, quand vous vous rendez compte que vous repérer dans Delhi relève du parcours du combattant, vous finissez par baisser votre garde et vous laisser emporter…

Conseil du pro: si vous arrivez par l’entrée de la gare située en face de la station de métro, montez au 1er étage puis emprunter le pont situé au-dessus de toutes les plateformes et suivez les rares panneaux qui indiquent le fameux International Tourist Bureau de l’autre côté des voies ferrées !

Le professionnalisme des escrocs va jusqu’à les faire reproduire des devantures de boutiques, des logos, des décors identiques à ceux du véritable India Tourism Delhi. Le 1er bureau arborait le logo du DTTDC pour Delhi Tourism & Transport Development Corporation), le 2ème indiquait India Tourism (Delhi) ! Ces arnaqueurs ont de plus un anglais littéralement irréprochable et vous apportent des conseils sur vos visites dans toute l’Inde ! Ce qui m’a mis la puce à l’oreille :

  • Une bonne dose de méfiance et d’intuition
  • Le fait qu’il n’existe pas, selon mon interlocuteur, de compagnie aérienne capable de proposer un vol Delhi – Srinagar sans passer 2 jours dans des house boats
  • Le fait qu’après avoir téléphoné pour moi dans 2 auberges de jeunesse et tendu le combiné,  je me suis aperçu que c’était la même personne qui me servait le même discours au téléphone pour m’indiquer que les auberges étaient complètes. Pourtant c’est moi qui dictait les numéros de téléphone et j’ai même vérifié ce que mon interlocuteur tapait sur le clavier !
  • Le fait qu’il n’y ait plus de train pour Amritsar avant 4 jours. Pourtant mon interlocuteur était bien sur un site internet qui devait ressembler à celui des réservations ferroviaires, et l’écran était tourné vers moi !

Je me suis donc barrée sans rien acheter, après que l’escroc m’eût conseillé de ne pas adresser la parole à d’autres personnes dans la rue, qui pourraient potentiellement être des rabatteurs ! Oui, c’est l’hôpital qui se fout de la charité… Et ça ne manque pas : un gentil jeune homme me propose de m’accompagner au véritable office de tourisme de Delhi. Je lui raconte ma mésaventure, mais il est très confiant !

Regarde dans ton guide, l’India Tourism Delhi est rue Janpath, non ? C’est là que je te conduis !

Et effectivement, nous déboulons bien dans la rue Janpath.

Je crois au karma, je t’aide parce que si j’étais dans ton pays, tu m’aiderais aussi, non ?

Ma foi, c’est vrai. J’arrive dans un autre bureau, et mon interlocuteur, à nouveau, veut m’envoyer au Cachemire. Le pire, c’est que j’entends 3 touristes en pleine discussion dans le bureau d’à côté, qui remercient chaleureusement leur interlocuteur pour le circuit réservé ! Je leur dis qu’ils se sont fait avoir ou pas ? Dépitée par tant de mensonges, je tombe un peu plus haut sur la Sunny Guesthouse recommandée dans mon guide. Un temps de réflexion pour vérifier que c’est la bonne et non une pâle copie, et me voilà en face d’un grand gaillard européen : « Tu hésites ? Viens ! Ca fait 20 ans que je reviens ici régulièrement ! » Et effectivement, l’auberge est occupée par quelques-uns des rares Européens croisés sur ma route tout au long de cette journée, et pour la 1ère fois de ma vie en voyage, j’en suis fort aise ! John et Jerry (ça ne s’invente pas), deux Londoniens, l’un photographe et l’autre fabricant d’effets visuels, m’accompagnent au fameux International Tourist Bureau de la gare ferroviaire, enfin !

Conseil du pro: même si vous préférez rester aussi loin des autres touristes que possible, ils peuvent se révéler d’une très grande utilité !

Pourtant, je reste persuadée que Delhi est une ville envoûtante du moment que vous restez assez longtemps pour qu’elle vous apprivoise :

  • L’effervescence qui règne dans les bazars peut être contagieuse. Cet endroit est si insolite ! Des barbiers de rue côtoient des chèvres, des enfants s’agrippent illégalement sur les rickshaws qui traversent les rues, les marchands d’épices en turban, assis en tailleur, sont accompagnés de femmes magnifiques aux saris étincelants !
  • Dehli est l’une des villes potentiellement dangereuses les plus sécurisés que je connaisse : la police de Delhi est présente dans tous les endroits touristiques, tels que la gare ferroviaire, Connaught Place, le Fort Rouge,… et patrouille régulièrement dans les bazars. Elle contrôle également les taxis et auto-rickshaws prépayés, une façon de ne pas se faire avoir par des conducteurs peu scrupuleux qui vous feraient consommer un curry en route ou reviendraient sur la négociation du tarif, comme ça m’est arrivé.

Conseil du pro: menacer le conducteur qui ne veut pas tenir sa parole de l’emmener discuter avec les policiers, ça le calmera !

  • La ville recèle de curiosités architecturales de différentes époques et différentes religions, comme la mosquée Jama Masjid ou le Fort Rouge moghol, où se mêlent quelques rares touristes occidentaux aux sorties familiales des Indiens.
  • Il y a quelques espaces de tranquillité, des jardins et des tombeaux, assez loin du centre de Delhi mais accessibles par taxi.
A la mosquée Jama Masijd

A la mosquée Jama Masijd

Au Fort Rouge

Au Fort Rouge

 

Femmes cassant des pierres au Fort Rouge

Femmes cassant des pierres au Fort Rouge

 

Une famille sur la pelouse du Fort Rouge

Une famille sur la pelouse du Fort Rouge

Enfin… Non contente de cette absurde journée, je pousse le vice un peu plus loin en prenant un train de nuit pour Amritsar, au nord-est de l’Inde, dans le Penjab. Oui, il s’agit d’un train avec couchettes ! Non, ça n’a rien à voir avec les trains français. J’étais logée dans le couloir de mon compartiment, sur le lit superposé du haut, avec des draps, couvertures et oreillers déjà utilisés par mon prédécesseur, et pour toute intimité un rideau… Oui, on peut dormir comme ça ! Habillée, un sac à mes pieds, l’autre bien accroché sur mon flanc, j’ai réussi à m’endormir, jusqu’à être réveillée par les doux ronronnements (comprenez abominables ronflements) de mon voisin du compartiment d’en face ! L’arrivée à Amritsar, de nuit, à 6H du matin, avec pour 1ère vue, encore à moitié endormie, celle des Indiens emmitouflés dans des couvertures et dormant à même le sol dégueulasse, m’a sortie de la parenthèse du train de nuit et replongée dans l’Inde du Nord…