Les 11 et 12 juillet derniers, à Oulan-Bator, étaient jours de liesse : quasiment tous les véhicules arboraient le drapeau national et les Mongols se rendaient par foules entières au stade, situé au sud de la ville. Le Naadam ne ressemble à aucun événement festif français. Il a à la fois des allures de Jeux Olympiques, de fête foraine et de 14 juillet. Bienvenue au cœur d’une manifestation culturelle qui a su se perpétuer d’année en année en gardant ses traditions, malgré une occidentalisation visible et galopante de la Mongolie.
Les Jeux Olympiques de Mongolie
Non, le Naadam ne rassemble pas les épreuves qu’on a vues dernièrement en Chine, comme la course, la boxe ou encore l’escrime ! Spécifique à la Mongolie, il ne présente que des sports traditionnellement concourus dans le pays : la course de chevaux, la lutte, le tir à l’arc et le jeu d’osselets.
La course de chevaux est probablement le sport dans lequel la Mongolie, pays de vastes étendues herbeuses ou désertiques, a produit le plus de champions. C’est que contrairement aux courses hippiques françaises, où les jockeys sont des adultes de petite taille, ceux de Mongolie sont des enfants, âgés généralement entre 5 et 12 ans, qui chevauchent pieds nus et sans selle ! Boogii, originaire d’Altaï à l’ouest de la Mongolie, raconte :
On m’a mise sur un cheval pour la 1ère fois à l’âge de 3 ans et j’ai remporté les médailles d’or et d’argent au Naadam lors de mes participations à 5 et 6 ans.
Sur deux jours, les différentes courses mettent en compétition les chevaux d’un même âge : plus de 5 ans ou moins de 2 ans par exemple. Les enfants poussent leurs destriers au bout de leurs limites sur les 15 à 30km que dure la course, si bien qu’il n’est pas rare que des chevaux s’effondrent ou que, à bout de souffle, ce soit l’enfant qui descende de sa monture et la tire par les rennes jusqu’à la ligne d’arrivée ! Si cette épreuve mérite d’être regardée à la télévision, les spectateurs sur place ne peuvent assister qu’à l’arrivée des canassons, et en général, quittent le terrain après le passage du 5ème champion, après avoir récolté la sueur de ces grands vainqueurs (véridique!).
Les épreuves de lutte se déroulent également sur deux jours, sur le stade principal du Naadam, au sud d’Oulan-Bator. Le premier jour est gratuit et les gradins relativement inoccupés. C’est qu’il n’est pas particulièrement spectaculaire : puisqu’il n’y a pas de catégorie de poids, les participants les plus lourds remportent la victoire quasiment systématiquement. Les arbitres ou les entraîneurs, je ne sais pas trop, encouragent leurs poulains par une claque sur les fesses ! Par contre le 2ème jour, le stade est bondé et les spectateurs scandent le nom des finalistes ! La foule en délire réagit à chaque prise où l’un des combattants est soulevé de terre et plaqué au sol. Les perdants, une fois revêtus de leur manteau, réalisent un tour du stade après leur dernier match pour saluer les spectateurs ravis. A peine le dernier match terminé débute la cérémonie de clôture.
Les épreuves de tir à l’arc se déroulent dans un semi amphithéâtre à proximité du stade principal. Vêtus de leurs plus beaux atours, les archers se concentrent pour dégommer des cylindres rouges et marron, à quelques dizaines de mètres. Alignés par groupes de 4 participants, chacun a droit à 36 tirs et les 10 meilleurs en tireront 4 de plus lors de la finale, le lendemain. Et quelle précision dans les flèches décochées!
C’est la seule épreuve du Naadam qui voit concourir des femmes, dont la distance de tir est plus courte que celle des hommes (discrimination!!!). Dans le bus pour Dalandzadgad, je rencontre le mari de la 4ème finaliste.
Le Naadam terminé, elle va continuer les tournois dans le nord et l’ouest de la Mongolie.
Enfin le jeu d’osselets constitue probablement l’épreuve la plus fascinante à mes yeux, même si c’est la moins populaire au vu du nombre de spectateurs, qui ne se bousculent pas dans les gradins ! Le but du jeu est de dégommer des petits osselets posés sur un meuble en bois à l’aide d’un os carré, tiré par le majeur à partir d’une sorte d’étui en bois. La position même des participants est atypique, sur un tapis, une jambe recourbée derrière leur postérieur. Deux équipes concourent à la fois, composées de 3 joueurs qui s’affrontent à un contre un ou deux contre deux. Malgré le principe de l’épreuve, qui apparaît comme un jeu d’enfant, les participants sont extrêmement sérieux ! Mais les membres de l’équipe adverse ont l’autorisation de déstabiliser le tireur en chantant !!!
Une fête foraine pour tous
Nombreuses sont les familles à arpenter les abords des stades. Si les épreuves ne sont pas forcément du goût de madame ou des enfants, ces derniers peuvent facilement trouver de quoi passer une bonne journée, tant les stands de jeux se bousculent, au point de rendre la circulation dans les allées difficiles ! C’est que les tireurs de fléchettes doivent parfois se placer en plein milieu des chemins empruntés par la foule pour atteindre leur cible ! Manger une barbapapa, se prendre en photo devant un décor d’athlètes, porter un aigle sur le poignet, tenir des ballons, se faire maquiller, monter à cheval, telles sont quelques-unes des activités proposées à Oulan-Bator durant le Naadam.
Une fête nationale
Un événement national de cette importance ne peut se départir de la fameuse soirée qui rassemble tout le gratin politique et artistique du pays et ne peut se finir en apothéose que par un feu d’artifice digne de ce nom. Bien qu’annoncé pour 20H, le show musical ne débute qu’à 21H. Le présentateur, malgré toute sa verve, peine à susciter les acclamations de la foule. Il commence par annoncer un DJ, dont la musique peu entraînante ne suffit pas à faire danser la foule. Sans transition, la soirée se poursuit avec un chanteur de rap mongol. Même accueil fébrile des spectateurs. Il faut dire que l’artiste passe plus de temps à parler au présentateur en tournant le dos à ses fans qu’à assurer sa performance. Il paraît que le spectacle de sons et lumières, lui, valait le coup. A 23H, un somptueux feu d’artifice clôture la soirée.
Le maintien des traditions
Si la plupart des spectateurs arbore des tenues occidentales, les athlètes, eux, ont sorti de leur armoire leur plus belle tenue traditionnelle. Chapeaux de mafieux ou circulaires, à pompon ou à frange, longs manteaux cintrés d’une ceinture aux couleurs vives ou tuniques aux motifs asiatiques colorés, rien ne manque à ce bal haut en couleurs. Même les enfants sont affublés de vêtements traditionnels ou de combinaisons de lutteurs ! Ces derniers s’affrontent sur le terrain du Naadam en slip et boléro, d’un goût douteux pour un sport aussi violent ! Boogii m’expliquera plus tard :
Les tenues des athlètes sont différentes parce qu’elles correspondent chacune à une ethnie de Mongolie. Il y en a 18 en tout.
Les stands de nourriture proposent tous les fameuses crêpes fourrées à la viande, plat typique de Mongolie, où les légumes se font si rares.
Et pourvu que, dans les années à venir, le Naadam ne se départisse pas de ses couleurs locales !
No comments