A partir du moment où l’on franchit la frontière du Sichuan, qu’on vienne du Yunnan ou du Shanxi, on entre dans l’une des nombreuses provinces chinoises où les Han sont en minorité. C’est comme si on entrait au Tibet. Les éléments de la culture tibétaine s’étendent à perte de vue, des hauts plateaux juchés à plus de 4000m, couverts de pâturages, de maisons de pierre et de yaks, aux monastères peuplés par des moines en robe bordeaux. Et quelle chance pour les Tibétains d’évoluer au milieu des plus beaux paysages de la Chine !

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Les Tibétains et la culture bouddhiste

Chine Sichuan Litang femmeA l’inverse des minorités ethniques du sud de la Chine, les Tibétains restent peu influencés par les Chinois Han. Leur langue maternelle reste le tibétain. Ils perpétuent avec plaisir leurs traditions, comme les danses, continuent de transmettre leur culture à leurs enfants et de porter leurs habits sobres traditionnels. Volonté de cultiver leur différence culturelle ou impossibilité, à cause des conditions territoriales et climatiques, d’arborer minishort, T-shirt ample et chaussures à talon ? Probablement un peu des deux… Les femmes en particulier, même les jeunes, se vêtent encore de leur jupe longue faite de tissu épais, d’une tunique en-dessous de laquelle elles portent un pull, et d’un tablier rayé multicolore lorsqu’elles sont mariées. La coiffure qu’elles arborent dépend du village qu’elles habitent : nattes, tresse mêlée d’un ruban rose et nouée au-dessus du front, cheveux courts ou attachés et surmontés d’un châle épais, elles en prennent soin.

La Femme tibétaine est belle. Oh, pas de cette beauté lisse et de cette plastique irréprochable qu’arborent les filles de l’est ! Ses vêtements traditionnels ne découvrent aucune partie de son corps. Même ses cheveux disparaissent sous un châle. Ses traits bronzés sont rudement marqués par des conditions climatiques difficiles, et elle ne doit pas voir de dentiste régulièrement. Néanmoins, elle rayonne de beauté par le sourire enchanté qu’elle prodigue alentour et par ses yeux emprunts de bonté et de générosité. Il suffit d’être un tant soit peu ouvert aux ondes positives qui émanent d’elle pour que toute la noirceur de notre cœur disparaisse en un clin d’œil. Et tout cela sans échanger un mot : parfois le langage du corps est tellement plus explicite que les paroles…

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Chine Sichuan Litang tour blancheLe Sichuan est probablement la seule région de Chine où les habitants pratiquent une religion, en l’occurrence le bouddhisme. A Litang, les dévots tournent autour des moulins à prière de la Tour Blanche et se prosternent sur des tapis de sol ou dans les monastères.

Les Tibétains et la mort

Chine Sichuan Litang moulin à prièreIl suffit de se promener dans les rues des villages pour observer des dévotes assises à murmurer des mantras, ou marchant, leur moulin de prière à la main, sans cesser de le faire tourner avec ferveur. Quand je demande à un moine de Xiangcheng pourquoi, il me répond :

Elles préparent leur prochaine vie.

Les bouddhistes croient en effet en la réincarnation, et chacun d’eux rêve de transmettre son âme dans un être humain plus évolué qu’il ne l’est lui-même, plutôt que dans un animal. Une fois que l’âme a quitté le corps, ce dernier n’est plus qu’un réceptacle dénué de vie, donc sans importance, si ce n’est pour servir de nourriture à son tour, afin de perpétuer le cycle de la vie. Il ne faut donc pas s’offusquer des funérailles traditionnelles tibétaines*. Après tout, il est difficile d’enterrer un cadavre quand le sol se révèle dur comme de la pierre à plus de 4000m d’altitude, et la crémation qui réduit le corps en cendres nécessite du bois, difficile à trouver sur les hauts plateaux.

*Ames sensibles s’abstenir. Certaines images peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes. Interdit aux femmes enceintes, aux personnes cardiaques et aux nains nyctalopes

Chine Sichuan Litang vautoursLes funérailles traditionnelles tibétaines se nomment funérailles célestes. Sur une colline au petit matin, les vautours attendent patiemment leur repas. Quand les véhicules qui apportent les corps s’arrêtent, les volatiles prennent leur envol avant de se poser sur un terrain plus proche. C’est d’à peine quelques dizaines de mètres qu’ils observent les hommes planter un piquet, débarquer la caisse de bois où repose le corps nu du défunt, pendant que le moine en robe rouge récite des mantras. Une fois le cadavre attaché au piquet par un ruban rose, le boucher fait son office : à l’aide d’un couteau, il effectue des incisions sur le crâne, les bras, les jambes, le dos du défunt, avant de se retirer pour laisser la place libre aux vautours qui se jettent sur la chair déjà plus fraîche. Le corps disparaît sous les volatiles à taille humaine, pour ne réapparaître que sous forme de cage thoracique teintée de sang, à laquelle restent attachés le crâne et les membres, dans une position absurde. Les vautours s’éloignent alors, en continuant à se battre pour des morceaux de chair que les plus forts tiennent dans leur bec. Le boucher reprend sa place et entreprend de briser les os à l’aide de ciseaux, de haches et de marteaux, et de les mélanger avec une poudre de façon à les rendre mangeables à leur tour. A la fin de cette cérémonie, qui dure environ une heure, il ne reste sur le sol de la colline que quelques débris d’os et les grosses pierres sur lesquelles résonnaient les ustensiles quelques instants plus tôt…

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Les Tibétains et les Han

On peut se demander si le gouvernement chinois favorise la pratique du bouddhisme. En effet, le moine de Xiangcheng m’apprend que c’est en Inde qu’on lui a tout enseigné.

Je suis moine depuis 30 ans et j’ai vécu 22 ans en Inde, dans un monastère près de Bengalore. Pourquoi ? Pour apprendre la culture tibétaine et la philosophie bouddhiste !

Si les figures du bouddhisme sont présentes en nombre dans tous les monastères, comme les peintures de Bouddha, les châles, les portraits du Panchen Lama ou du professeur du Dalaï Lama, je n’ai pu observer de portrait du Dalaï Lama actuel qu’au-dessus de la porte de la Tour Blanche à Litang. Un pied de nez aux Chinois Han ?

Selon un spécialiste du peuple tibétain :

Il y a plusieurs courants de pensée. Certains Tibétains sont pro-Chinois, d’autres anti. Il n’y a pas de généralité.

Chine Sichuan Songpan village drapeauxLa présence chinoise est autant, voire plus marquée dans le Sichuan que partout ailleurs en Chine, même dans le Xinjiang voisin. A Litang, des troupes de policiers parcourent les rues en rang d’oignons et au pas militaire. Les Tibétains semblent ignorer la parade. Dans un village tibétain à proximité de Songpan, chaque maison de bois arbore le drapeau chinois. Signe manifeste de parti-pris ou peur de représailles ? Je ne peux le dire, les portes sont restées fermées…