Chaque pays a ses traditions maritales et aucune ne se ressemble. En Inde, malgré la modernisation de la société et l’ouverture à l’international, elles sont encore bien ancrées dans les familles, même si une libéralisation du choix du partenaire se fait de plus en plus sentir dans la génération en âge de se marier actuelle. Du coup, il n’y a plus vraiment de schéma type de la demande en mariage, tant les mentalités évoluent rapidement dans certaines familles modernes, dans les grandes villes surtout, et tant elles restent figées dans les campagnes. Petit tour d’horizon de quelques mariages.

Traditionnellement…

Ce sont les parents qui choisissent un époux pour leur fille, une épouse pour leur fils. Les partenaires sont choisis dans des familles de même condition sociale et de même caste. C’est entre 15 et 20 ans que les époux célèbrent leur mariage. Ils se rencontrent souvent pour la première fois ce jour-là, juste avant la nuit de noces. La cérémonie se déroule dans le village de la fille, qui accueille le futur mari et toute sa famille. Pour la mariée, elle constitue un déchirement : pour la première fois de sa vie, elle quittera la famille qui l’a tant aimée pour rejoindre celle de son époux, dans son village, où elle rentrera au service de sa belle-mère.

Ca a été le cas de Malwaï, une adorable grand-mère Harijan de 70 ans, habitante du Kutch, dans le Gujarat. Elle a été promise à son mari alors qu’ils étaient tous les deux âgés de 3 ans, et ils se sont mariés à l’âge de 20 ans. Trois de leurs fils vivent dans des maisons situées juste en face de la leur, et ce sont leurs brus et leurs petites-filles qui cuisinent pour eux à l’heure actuelle.

Prem a 40 ans. Il parle un anglais parfait mais ne sait pas écrire. Il s’est marié sur décision de ses parents à l’âge de 17 ans, son épouse en avait 15. Tous deux sont issus de la caste des brahmanes, condition sine qua non pour une union des deux familles, même si le métier de Prem aujourd’hui, restaurateur, n’a plus rien à voir avec ceux traditionnellement exercés par sa caste. Le couple a trois enfants de 14, 12 et 10 ans. Tous les cinq vivent avec 33 autres personnes chez les parents de Prem : il y a ses 5 frères et leurs femmes, leurs 19 enfants et leurs 4 petits-enfants. Avec autant de monde à la maison, les décisions familiales se prennent au vote. Après tout, le but des parents et d’apporter le bonheur à toute la famille.

Et l’amour dans tout ça ? Difficile à dire… Chacun semble se satisfaire de la situation, tandis qu’il essaie d’offrir à l’autre la meilleure vie possible. Prem trompe sa femme. Elle le sait, l’accepte, et défend même son mari devant son entourage. Elle lui fait l’amour quand il lui demande (pour elle l’acte sexuel est un acte de procréation) et est une bonne mère pour ses trois enfants. En échange, son mari la traite bien et lui rapporte l’argent nécessaire à son épanouissement. De toute façon, le couple est bien obligé de se satisfaire de ce qu’il a, le divorce n’est absolument pas entré dans les mœurs.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Dans les villages, la situation n’a pas changé. Les femmes continuent même de se voiler dès l’apparition d’un homme autre que leur mari. Mais dans les villes, l’éducation aidant, le rôle de la femme évoluant, une plus grande liberté est accordée aux jeunes gens dans le choix de leur partenaire pour la vie.

Même les familles les plus religieuses et traditionnalistes lâchent du leste sur le choix du partenaire de leur enfant. Prem n’admet toujours pas l’idée qu’une femme puisse avoir de rapports sexuels avant le mariage : elle doit garder une certaine fraîcheur pour l’homme qui deviendra son époux. Mais il milite auprès de sa famille pour laisser plus de place au choix du concubin de ses neveux, nièces et enfants. Ses parents ont reçu une proposition de mariage pour sa nièce, en âge de se marier. Ils l’ont acceptée car elle émanait d’une bonne famille. Mais Prem les a fait réfléchir et a impliqué sa nièce dans la prise de décision, qui a avoué à sa tante qu’elle ne voulait pas de cette union. Après de nombreuses propositions, elle a fini par choisir un époux. De mes yeux d’Européenne, il reste néanmoins dommage que la personne la plus intéressée par la décision soit la dernière à laquelle on demande son avis…

J’ai rencontré X. et Y. près de McLeod Ganj. Enlacés sur un banc, ils n’attendaient que des passants pour prendre en photo la manifestation de leur amour. Mais peut-on vraiment parler d’amour ? Leurs parents ont arrangé leurs noces pour deux mois plus tard, en mai. Le mariage arrangé moderne permet aux futurs époux de faire connaissance quelques mois avant la cérémonie, alors que la tradition veut que les présentations ne soient faites que le jour même. Une véritable avancée !

Les mariages d’amour se multiplient. Si le mari d’Alka a demandé à ses parents l’autorisation de l’épouser, c’est parce qu’il est tombé fou amoureux d’elle à l’école. Si tout va bien, Kalpana devrait épouser son petit ami une fois leurs études terminées : elle l’a déjà présenté à ses parents et le courant est plutôt bien passé.

Par contre, certaines pratiques et traditions ont la vie dure.

Même si l’âge légal du mariage se situe à 18 ans, les mariages de mineurs sont encore trop fréquents. La loi les tolère et ne s’en mêle qu’à partir du moment où il y a plainte de l’un de deux partis.

La dot, pratique toujours en vigueur même dans les familles indiennes les plus modernes, reste une source de conflits. Déjà sujet de ruine pour la famille de la mariée, elle peut aujourd’hui encore induire de graves conséquences sur la femme. Il arrive qu’une fois la dot négociée, la famille du marié se rende compte qu’elle aurait pu demander davantage. Une nouvelle négociation s’ouvre alors. Si elle n’aboutit pas au montant exigé par la famille du marié, sa femme peut potentiellement en faire les frais : certaines endurent des brûlures sur le visage pour de telles raisons.

Aujourd’hui encore, la religion joue une grande part dans le choix du concubin. Ainsi, lorsque deux familles ont décidé d’unir leurs enfants, un astrologue établit la compatibilité des futurs époux avant que les familles ne prennent la décision définitive de sceller leur union.

Et les enfants dans tout ça ?

Il suffit d’observer les femmes et leurs petits pour n’avoir aucun doute sur le fait que l’enfant est au centre des préoccupations des familles. M. Rajou travaille comme chamelier à Jaisalmer depuis 11 ans, 10 mois par an. Sa famille vit dans un village à des kilomètres de la ville rajpute, si bien qu’il ne voit ses enfants que deux mois par an. D’ailleurs il n’a pas encore fait la connaissance de son petit dernier, né à peine 10 jours après son départ, et il lui tarde de le retrouver cet été. M. Rajou a fait le choix de travailler loin de son village de façon à économiser assez d’argent pour offrir une vie décente à sa famille. M. Rajou et sa femme projettent, malgré les troubles économiques qu’une telle naissance engendre, d’avoir un troisième enfant, une fille de préférence. Par la suite, ils envisagent d’accepter l’offre du gouvernement : celui-ci propose en effet une prime de 20000 roupies (l’équivalent de 300€) à toute femme qui se fait ligaturer les trompes pour ne plus procréer. Cette mesure du gouvernement qui vise à maîtriser le taux de natalité, en plus de lui apporter un avantage financier certain, permet à la famille de limiter ses naissances sans avoir recours aux moyens de contraception traditionnels, trop coûteux. Une belle opportunité pour M. Rajou de passer quelques mois de plus auprès de sa famille.

Et au Népal ?

Au Népal sévit également le principe du mariage arrangé, qui tend néanmoins à disparaître au profit du mariage d’amour, comme chez son grand frère l’Inde. La tradition veut que le dernier-né d’une famille reste vivre auprès de ses parents avec sa concubine, tandis que les autres enfants quittent le foyer. Un avantage certain aux yeux des Népalais : ils économisent l’argent d’une nouvelle maison et bénéficient du soutien parental à domicile !