Je sais ce que vous vous dites :

Le Kirghizistan ? Ca existe ? C’est où ?

Le Kirghizistan est, comme tous les pays en « stan » (Turkménistan, Afghanistan,…) un pays d’Asie centrale. Tout petit, il est situé entre le Kazakhstan au Nord, la Chine à l’Est, le Tadjikistan au Sud et l’Ouzbékistan à l’Ouest. Sa population est à dominante musulmane, mais la religion n’y est pas aussi pratiquée que dans les pays arabes. Tous les habitants parlent le kirghize et le russe, pays de l’ex-URSS oblige. Pourquoi se rendre au Kirghizistan ? Parce que vous êtes féru de nature, de montagnes enneigées, de vallées verdoyantes, de lacs alpins, de chevaux, de treks en altitude (le pic Lénine est le 7000m le plus facile du monde),… Ou parce que vous avez toujours rêvé de parcourir la route de la soie, qui part de Turquie pour rejoindre Xi’An en Chine, sur les traces des caravanes de marchands de l’époque. Après cette brève introduction, laissons s’exprimer deux personnes qui sauront mieux que moi parler de leur pays.

Mourat a 24 ans. Il n’est pas marié, n’a pas d’enfant, et il vit encore chez sa mère. Guide l’été et professeur de snowboard l’hiver, il a toujours vécu à Karakol et, malgré la faible étendue de son pays, n’a voyagé que dans la région d’Issyk-Koul. Aziz, 18 ans à peine, étudie le chinois à Bichkek. Originaire de Kochgor, à proximité du lac Song-Koul, il est heureux de retrouver ses montagnes pour les vacances !

Economie

De quoi vit le Kirghizistan ?

Mourat :

Ca dépend des régions. Issyk-Koul et ses alentours vivent de tourisme. La région de Naryn pratique l’élevage. Bichkek est le centre des affaires. Partout ailleurs, c’est l’agriculture qui domine.

Le Kirghizistan, l’autre pays du cheval ?

Kirghizistan interview bergerAprès tout, ces nobles animaux circulent librement dans les vallées…

Mourat :

Pas vraiment… Les chevaux ont de nombreux usages : ils emmènent les touristes en balade et servent de monture aux bergers pour rassembler les troupeaux de moutons. Les Kirghizes sont férus de courses et de jeux hippiques, ça fait partie de nos traditions. On les offre en dot, et on les mange aussi. De là à s’en servir comme monture dans la vie de tous les jours… Le grand business du moment, c’est l’importation de vieilles voitures étrangères.

Kirghizistan interview voitureJe connaissais déjà cette activité : les vieilles voitures françaises, au lieu de partir à la casse (ce qui est payant), sont vendues pour un prix dérisoire à des marchands des pays de l’ex-URSS, qui les retapent avant de les revendre sur leur sol. On a l’impression de faire un bond dans les années 90 à côtoyer Audi 80, Audi 100 et Golf de la première génération ! Le gouvernement tolère également les voitures japonaises, dont le volant se situe à droite comme en Angleterre, alors que les véhicules circulent sur la voie de droite comme dans le reste de l’Europe !

Kirghizistan interview villeMourat :

Il y a 5 millions de Kirghizes, dont 2 millions à Bichkek, et 10 millions de voitures !

Deux voitures par habitant donc, bébés compris ! Pourtant, les routes aux voies multiples sont désertes, tout comme les rues sont vides d’habitants, tellement la densité de population est faible !

Kirghizistan interview yourteEt les yourtes alors ? C’est un attrape-touristes ?

Mourat :

Non ! Les nomades installent les yourtes de fin mai à septembre pour emmener les troupeaux paître dans les montagnes. Le seul changement réside dans leur infrastructure: aux yourtes traditionnelles ont succédé les made in China !

Histoire

Tu as appris le russe à l’école ?

Mourat :

Non. Il y a 16 écoles à Karakol, la moitié enseigne en kirghize, l’autre moitié en russe. J’ai suivi les cours en kirghize et c’est cette langue qu’on parle chez mes parents. Mais tous mes voisins sont russes, je le parle donc également.

Il faut savoir que le lac Issyk-Koul, dont les abords ont été transformés en stations balnéaires, accueille essentiellement des touristes russes et européens, dont la France arrive en tête… Quand je pense que personne autour de moi n’avait entendu parler de ce pays ! Par contre, plus on s’éloigne des abords du lac, moins il y a de Russes…

Aziz :

Il n’y a pas de Russe à Kochgor : ils préfèrent se prélasser sur les plages d’Issyk-Koul. Et c’est tant mieux ! Il n’y a qu’en préservant les campagnes du tourisme de masse qu’on réussira à protéger les traditions de mon peuple.

Selon toi, quelle est la meilleure période pour le Kirghizistan ? Son appartenance à l’URSS ou son indépendance ?

Mourat :

Le Kirghizistan est indépendant depuis 1991 et a récupéré ses frontières d’avant l’URSS. Le pays n’a pas choisi l’indépendance. Les personnes âgées regrettent amèrement la période de l’Union Soviétique : à cette époque, toutes les familles avaient une maison, une voiture, tous les hommes avaient un travail. Avec l’avènement de la démocratie, les salaires des petits boulots ont chuté et les habitants ne travaillent plus avec la même passion. Par exemple, les boulangers ne font plus des pains d’aussi bonne qualité. Les jeunes préfèrent néanmoins la démocratie : ils ont le droit de posséder plusieurs maisons, plusieurs voitures, de parler librement du gouvernement sans risquer l’emprisonnement…

Aziz :

L’indépendance vaut mieux pour le pays, d’autant plus que les derniers dirigeants de l’ex-URSS étaient particulièrement corrompus. Mais il est vrai que les Russes ont développé le Kirghizistan en investissant dans les infrastructures et l’éducation, et en apportant des médicaments.

Et l’ex-URSS est encore tellement présente dans les esprits que les Kirghizes continuent de fêter l’armistice de la Seconde Guerre Mondiale un jour après nous, le 9 mai. L’occasion d’organiser des jeux de chevaux à Karakol et à Naryn par exemple.

Social

Mariage d’amour ou mariage arrangé ?

Mourat :

Mariage d’amour ! Les parents peuvent recommander un concubin potentiel mais au final ce sont les intéressés qui décident. Il est rare que des couples qui vivent ensemble 2 ou 3 ans se marient : l’amour finit par disparaître. Pour nous, l’amour est un coup de foudre qui aboutit à un mariage dans les mois qui suivent, à un bébé dans l’année. C’est l’enfant qui durcit les liens du couple. Les parents vivent pour leur progéniture. Ma mère vit pour moi et je vivrai pour mon fils ou ma fille. Si tout va bien, je me marierai en septembre cette année…

Quoi ? Tu ne m’avais pas dit que tu avais une copine ! Félicitations !

Mourat :

Non, en fait, il faut que je trouve ma future femme d’abord… Mais ça peut arriver très vite et le mariage suivra dans la foulée !

Quelles sont vos coutumes en matière de mariage ?

Mourat :

Quand un homme veut épouser une femme, il en parle à ses parents, qui s’entretiennent ensuite avec les parents de la femme. Le mari paie une dot à la famille de son épouse : 1 ou 2 chevaux et 1000 à 2000$. Sauf dans les grandes villes comme Bichkek, où la compensation financière suffit.

En effet, que ferait-on d’un cheval dans la capitale du Kirghizistan ?

Aziz :

Dans la tradition kirghize, le plus jeune des fils doit rester vivre avec sa famille. Mon grand frère, chauffeur de taxi, habite déjà avec sa femme et son fils chez mes parents. Du coup, bien qu’étant le plus jeune, je suis libre de faire ce que je veux !

Les traditions ont tellement la vie dure que la mère de l’une de mes familles d’accueil refuse catégoriquement que je partage ma chambre avec un homme, au risque de faire dormir sa propre fille par terre pour me laisser son lit !

Le saviez-vous ?

Kirghizistan interview chambreLes Kirghizes sont réputés pour leur hospitalité. Aujourd’hui elle est bien sûr payante, mais pour seulement 10€ vous aurez l’occasion de vivre chez l’habitant dans une chambre à vous, décorée aux couleurs locales avec des tapis aux murs, et vous aurez droit à un petit déjeuner maison. Bonne nouvelle chers Français : le pain, la confiture et le miel font partie des produits locaux ! Par contre le porridge aussi…

Le Kirghizistan se visite très facilement : chaque ville est équipée d’un CBT (l’équivalent de notre office du tourisme), qui réservera pour vous guides et chambres chez l’habitant.

Kirghizistan interview chevalUn cheval à manger coûte 1000$. Pour un destrier champion des courses hippiques, il faut débourser 20000 à 30000$.