Himmat tient des conférences sur la géographie dans les universités de Jaïpur et Kota. Il me raconte les initiatives prises par le gouvernement indien pour améliorer l’éducation des enfants.
En Inde, il y a des écoles publiques, gratuites, et des écoles privées, payantes. Le cursus scolaire fonctionne comme suit. De 8 à 16 ans, les élèves suivent des études généralistes qui correspondent à notre cursus primaire / collège / lycée avec obtention d’un 1er diplôme. Ensuite il y a 2 cursus de spécialisation, l’un de 2 ans jusqu’à 18 ans, puis l’autre de 3 ans jusqu’à 21 ans, avant l’entée à l’université et, pour les plus riches et les plus motivés, la conduite d’une thèse ou PhD.
Aujourd’hui, seuls 60% des enfants indiens sont scolarisés, et seuls 20% d’entre eux poursuivent leurs études supérieures après avoir été diplômés à 16 ans. Pour améliorer le taux de scolarisation, le gouvernement indien a mis en place en 2010 un programme qui rend l’école obligatoire pour tous les enfants de 8 à 14 ans. De plus, pour diminuer les discriminations sociales, il oblige les écoles privées à intégrer 25% d’enfants originaires des bidonvilles, dont il prend en charge les frais de scolarisation !
Là où le gouvernement indien fait fort et montre à quel point il fait de l’éducation sa priorité, l’anglais est à présent enseigné aux élèves dès leur plus jeune âge et les classes, même si elles comportent 50 à 60 élèves, sont dotées d’ordinateurs. Oui, savoir utiliser un ordinateur fait partie des cours enseignés dès l’équivalent de notre école primaire ! Et pour couronner le tout, le gouvernement a décidé d’offrir un ordinateur au meilleur élève de chaque classe en 10ème (16 ans) et dans toutes les classes à partir de la 12ème (18 ans) !
Après ces nouvelles plus qu’encourageantes, reste à savoir quand ces mesures seront concrètement effectives. Le premier enjeu du gouvernement consiste en effet à changer les mentalités des classes les plus défavorisées : difficile de mesurer l’efficacité de ces méthodes tant le recensement des bidonvilles reste aléatoire. En outre, les Indiens rencontrés, parents et étudiants, et les bénévoles qui ont pu assister à des cours, n’ont que peu de confiance dans la capacité du gouvernement à éradiquer la corruption dans le domaine scolaire. Combien de professeurs négligent les écoles publiques et manipulent leur téléphone portable pendant que les élèves évoluent dans un joyeux bordel ? Pourtant, d’après un professeur de la langue bhutia, leurs salaires son plus élevés que dans le privé. Des Françaises en échange à l’université de Pune, pourtant réputée, m’ont confirmé que la plupart des professeurs n’officiaient pas, et que les étudiants passaient plus de temps dans la cafétéria de l’université que dans les salles de cours ! Sur 1000 ordinateurs officiellement distribués, combien arrivent dans les mains des étudiants talentueux ? Combien de familles ne voient jamais l’argent destiné aux fournitures scolaires ? Combien de professeurs font payer les livres, pourtant offerts par le gouvernement ?
Dans les petits villages reclus des provinces de l’Inde, l’idée fait pourtant son petit bonhomme de chemin. M. Rajou travaille comme chamelier à Jaisalmer depuis 11 ans. Ne sachant ni lire, ni écrire, les seuls métiers auxquels il pouvait aspirer étaient les suivants : serveur ou paysan. Aide-chamelier, il a néanmoins appris à parler anglais au contact des touristes, jusqu’à devenir guide. Cette vie difficile qu’il a eue par manque d’éducation, ses enfants ne la connaîtront pas. Les villageois du désert du Thar ont en effet réalisé une belle transaction : celle de laisser des entreprises privées construire des éoliennes sur leurs terres, dans le désert, en compensation de quoi le gouvernement s’engage à leur fournir du travail (construction de routes), des écoles et des centres médicaux.
Outre les mesures gouvernementales et industrielles, saluons également les initiatives locales, qui ont le mérite d’assurer aux enfants indiens un avenir plus rose que celui de leurs parents. Ces initiatives sont pour beaucoup montées par d’anciens Maharadjas qui, démis de leur fonction politique lorsque l’indépendance de l’Inde a été prononcée, se sentent toujours responsables du bien-être de leur peuple. C’est le cas du Maharadja de Jodhpur. C’est également celui de Dajnath, descendant de l’ancien Roi de Zainabad dans le Gujarat.
Dans les années 70, sa famille habite alors Little Rann et de hauts dignitaires, acteurs, réalisateurs de films et amis de la famille élisent régulièrement domicile chez eux, ce qui a le don d’exaspérer la mère de Dajnath. Elle exhorte son mari à loger tout ce petit monde ailleurs. Ses colères sont donc à l’origine de la création de Desert Coursers, un ensemble d’habitations touristiques haut de gamme et organisateur de safaris à travers le Rann. Les bénéfices engendrés par le complexe touristique permettront de financer une école, domiciliée dans les étables de la famille royale. Dajnath, de retour des Etats-Unis, reprend la direction de Desert Courses en 1991. Le tremblement de terre de 2001 rend l’école vétuste, mais Dajnath la reconstruit grâce aux fonds de l’agence. Aujourd’hui, bien que le gouvernement fournisse les professeurs, c’est lui qui finance les frais de scolarité des 250 enfants de l’école, âgés de 13 à 15 ans, ainsi que les fournitures scolaires de 2000 enfants provenant des 7 villages de son royaume.
Dajnath n’a pas que repris le travail de son père, il a également fondé son propre bébé : Akash Ganga. A l’origine, ce complexe était sensé recueillir les enfants des salines. Little Rann est en effet pourvu de quantités de sel extraites par les villageois dans des conditions précaires, les pieds et les mains nus et les yeux sans protection. La pénibilité du travail a poussé les parents à réquisitionner leurs propres enfants. Malgré les efforts de Dajnath, les enfants ont fini par se désintéresser du centre et retourner dans les salines. Il a donc reconverti Akash Ganga en un centre d’éducation pour les enfants les plus démunis. Aujourd’hui il en accueille une vingtaine, âgés de 5 à 10 ans.
En résumé, sans corruption, la bonne volonté du gouvernement et les initiatives locales devraient permettre d’éduquer 100% des enfants très prochainement. A quand l’éveil de l’Inde ? Ce n’est plus qu’une question de temps !
Combien gagne un professeur ?
25000 roupies par mois (soit l’équivalent de 350€) mais un conférencier expérimenté peut espérer 1800€ par mois !
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