Il faut 1H30 à 2H pour rejoindre, par la route, le village d’Azgour, dans le Haut Atlas, à partir de Marrakech. Là où la route s’arrête, une piste part en direction de Toulkine, petit village encore préservé de la frénésie des Marocains pour les constructions en ciment. Ici subsistent, malgré la modernisation, les maisons de torchis rouge aux portes en bois branlantes.
C’est ici que vit la tante d’Hassan avec ses jeunes filles encore célibataires, dans une maison de plus de 200 ans. Les grandes, mariées, ont quitté la maison familiale pour vivre avec leur belle-famille. Hassan, qui travaille à Marrakech où il porte des vêtements occidentaux, nous accueille chez lui en tenue berbère typique de la région d’Amizmiz, une longue djellaba de toile beige avec un capuchon de style monastique.
La maison est construite sur 2 étages. Une cour intérieure s’étend jusqu’aux cieux. Il n’y a ni porte, ni fenêtre, seuls des murs en torchis blanc délimitent les pièces. Le rez-de chaussée est réservé aux bêtes lorsqu’elles ont besoin d’un abri en hiver. Pour l’instant seuls les lapins occupent l’une des pièces, ainsi que le foin destiné au bétail. Dans un coin, un moulin à farine manuel.
C’est pour ça que les femmes sont costaud, me dit Hassan avec humour, alors on ne les embête pas !
A l’étage, le linge sèche sur une corde. La cuisine est bien équipée, la famille dispose même d’un réfrigérateur et d’une machine à laver le linge ! Une vaste pièce toute sobre, sans aucun meuble, dont les murs blancs ne sont ornés que de quelques tableaux et le sol de 2 tabourets, accueillent les voyageurs pour le thé. Un peu plus loin, un salon marocain et le coin salle à manger, où se dressent une table, des coussins pour s’adosser aux murs et des couvertures pour protéger son corps du froid.
Chez les berbères, la femme tient un rôle très traditionnel. La tante d’Hassan nous apporte le thé, alors qu’elle et ses filles restent dans la cuisine. C’est également elle qui prépare le tagine, elle en rapporte même les ingrédients devant moi : agneau, paprika, persil, colorant, sel et poivre, qu’elle fait mijoter dans le plat à tagine avec de l’huile, avant de rajouter pommes de terre, courgettes, oignons et tomates, un peu d’eau, sans y toucher pendant 1 heure. Contrairement au film « La source des femmes », sur lequel Vincent et Hassan ont un long débat, les hommes ne sont pas au café pendant que les femmes s’occupent du ménage : ils travaillent aux champs ou gardent les moutons. Difficile de s’entretenir avec ces femmes sans Hassan comme interprète : elles ne parlent que le berbère. Les citadins par contre apprennent l’arabe, le français, le berbère et l’anglais à l’école.
Hassan a hérité d’une auberge dont l’entrée est soigneusement aménagée d’escaliers, d’une jolie porte et d’un jardin. Quand on y pénètre, on est saisi par les couleurs chatoyantes du salon. Une adorable fontaine ornée de plantes et de vases en terre cuite, des photos du roi et de la famille d’Hassan au mur, des instruments de musique, 4 chambres, ce cadre est idéal pour accueillir deux familles ou un groupe d’amis !
Nous partons faire une petite balade dans les environs du village. Les femmes nous croisent avec leurs herbes sur le dos ou sur celui d’une mule. Les enfants jouent dans les rues étroites. Nous passons devant les puits où les habitants puisent l’eau, et devant le hammam que l’agence de Vincent a aidé à financer. Il est accessible par les femmes en journée, par les hommes en soirée. Je demande si ce hammam est fréquemment utilisé.
Bien sûr, répond Hassan. Il n’y a pas de douche dans les maisons. Les habitants du village viennent se laver au gant et au savon noir.
J’avais oublié qu’ici, le hammam n’a pas la même fonction de loisir qu’en France… Les terres qui bordent le village rivalisent de couleurs. Entre le jaune des blés, le vert clair de l’orge, le vert foncé de l’herbe et des arbres, le rouge des rochers, le bleu des rivières, ces espaces multicolores invitent à la balade et à la détente.
Nous passons une école primaire. Pour le collège, les étudiants doivent faire le chemin jusqu’à Amizmiz, pour le lycée et les écoles post-bac, jusqu’à Marrakech. Les jeunes sont très impliqués dans la vie de leur village. Ils ont monté une association dont les fonds récoltés doivent permettre de réhabiliter le terrain de football et trouver une solution pour évacuer les poubelles. Les camions d’éboueurs ne parviennent pas à Toulkine, et de nombreux déchets jonchent le sol. Une dizaine de garçons se sont justement réunis, debout dans la rue, pour la récolte des cotisations.
Au retour, nous dégustons le merveilleux tajine de la tante d’Hassan, au parfum subtilement dosé d’épices. Des fruits pour dessert et du thé pour boisson, ce cadre paisible et silencieux invite à l’inertie et aux discussions.
No comments