Quand on parcourt l’Inde depuis des semaines, on finit par se demander ce que font les Indiens de leurs week-ends. Leurs destinations privilégiées ne sont pas celles des touristes : alors que nous visitons les palais et les forts de l’Inde et partons méditer dans les ashrams, les locaux quittent les villes pour partir à la chasse aux tigres dans les jeeps des parcs nationaux, et fuient la chaleur pour les stations climatiques plus tempérées des collines, comme celle d’Ooty, dans le Tamil Nadu. Mais une fois parcourus les centaines de kilomètres en train qui les séparent d’Ooty, que font les Indiens ? Ils se posent dans un bus !!!
Excursion à l’indienne
L’Indien part avec toute sa famille (sa femme, ses enfants, mais aussi ses parents, ses frères et sœurs, leurs maris, leurs femmes et leurs enfants) en circuit organisé dans les environs d’Ooty. Il va passer huit heures dans un bus défraîchi et sans air conditionné, où trouver de la place pour placer ses jambes relève du miracle. Le circuit traditionnel prévoit les arrêts suivants :
- La visite du jardin des roses, dans lequel il n’y a aucune rose en fleur puisque ce n’est pas la saison…
- La visite du musée de cire d’Ooty. Attention, c’est un extra dans le parcours, hip hip hip hourra !
- Un long arrêt d’une demi-heure à proximité d’un stand de bouffe
- Un stop à proximité des terrains de golf d’Ooty. Bien évidemment, on ne peut pas en fouler la pelouse verte, seulement faire quelques photos (d’un terrain de golf ???), à travers l’une des fenêtres du bus ou à 1m à l’extérieur de celui-ci
- Un court arrêt à proximité de l’usine de production de films, le Bollywood du Tamil Nadu. Le guide baragouine quelques explications en hindi, il n’est bien sûr par question de sortir du bus et de visiter le bâtiment en question si on veut respecter le timing.
- 20 minutes à proximité du barrage d’une rivière, où les familles en profitent pour faire des photos de groupe
- 20 minutes à parcourir une forêt de pins… c’est-à-dire quelques dizaines de mètres carrés de pelouse entourée d’arbres et de grillages… La véritable forêt, de l’autre côté de la route, est interdite d’accès !
- 30 minutes autour du lac de Pykara. C’est bien dommage, il y a des bateaux qui sillonnent ce lac et qui pourraient constituer une belle balade ! Mais elle dure 20 minutes et il y a au moins 10 minutes d’attente, on ne peut pas prendre le risque de manquer le départ du bus…
- 30 minutes pour escalader une colline… dont la vue donne sur d’autres collines aussi desséchées
- 20 minutes pour déjeuner dans un restaurant que même les Indiens boycottent tellement il est infect. Ce n’est que lorsque les 20 minutes sont passées que notre chauffeur / guide nous annonce qu’il y a également des chutes d’eau pas loin !
- Finalement, comme nous avons pris du retard, nous manquerons le clou du spectacle : nous échapperons à la visite du centre commercial ! Dommage, les Indiennes avaient l’air de n’attendre que ça…
Bref, l’Indien n’aime pas marcher !
Excursion à la française
Le Français se renseigne au préalable, auprès des habitants de la région, des garde-forestiers ou d’autres voyageurs, des endroits agréables pour effectuer une belle balade. Puis il part sans guide (parce qu’il n’en trouve pas), en bus, pour rejoindre le village en question, traversant au passage des kilomètres de plantations de thé.
Une fois dans le village, il sourit aux habitants et les gratifie d’un « hello » ou d’un geste de la main pour évaluer leur accueil des étrangers. Ils sourient en retour et les enfants lui courent après, c’est bon signe ! Puis le Français part à l’aventure au gré des chemins, traversant des champs de thé de plus en plus verts, jusqu’à arriver à un sentier sur lequel il est écrit « bienvenue ». Il s’y aventure, bientôt arrêté par un Indien à moto qui lui demande ce qu’il fait là… mais qui l’autorise à se balader dans la propriété privée, lui présente les enfants de la crèche et lui apprend même quelques mots de tamoul !
Puis il part à la rencontre des travailleuses qui récoltent les feuilles de thé dans des paniers, avant de rejoindre la route à travers champs, accompagné par sa nouvelle meilleure amie, la femme qui supervise les travailleuses. Entre temps, le directeur des champs lui aura proposé de déjeuner avec sa femme et de l’emmener dans un parc national.
Là où Indiens et touristes occidentaux se rejoignent, c’est dans le petit train historique qui relie Ooty à Mettupalayam. Classé au patrimoine mondial par l’Unesco, il traverse des plantations de thé et des ravins sur des ponts métalliques étroits pendant plus de trois heures ! Trois heures que l’occidental passe le nez à la fenêtre à emmagasiner toute cette verdure… trois heures que l’Indien passe à jeter les boîtes de ses snacks et ses bouteilles en plastique par la fenêtre, malgré le message inscrit en rouge sur les vitres :
La nature vous appartient, ne la détruisez pas
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