Tamandu lodgeJanvier 2012. Du village La Palma, le taxi nous dépose devant un petit cabanon flanqué de deux chevaux en piteux état. Fin de la route praticable : il nous faudra 1 heure pour rejoindre le Tamandu Lodge à pied, sur 6 km de chemins abruptes en montée comme en descente. Pas étonnant que le cheval soit aux Guaymis ce que la voiture est aux Européens : un moyen de transport individuel parfaitement adapté aux conditions de route locales !

La réserve Alto Laguna, refuge de 150 indigènes Guaymis, se situe sur la Péninsule d’Osa, au Sud-Ouest du Costa Rica, à proximité du Parc National du Corcovado. Les terres de la famille Carrera se trouvent en amont de la réserve, à l’orée de la forêt primaire. Leur « place du marché » est une immense étendue verte, bordée ça et là de petites maisons en bois sans fenêtre. Les poules s’y baladent en liberté, les chevaux y paissent, les enfants jouent pendant que le linge sèche au soleil. Le silence de la nature n’est troublé que par les chants, accompagnés à la guitare, d’habitants vêtus d’habits colorés.

Tribu guaymi Costa Rica

Daniela nous accueille à déjeuner dans son humble demeure, accompagnée de son mari Esteban et de ses enfants, Leonardo et Nicole. Daniela n’a pas le teint mat et les cheveux raides et foncés des Guaymis, elle est suisse. Elle a rencontré Esteban à San Isidro, 11 ans auparavant, alors qu’elle enseignait bénévolement à une classe d’enfants suisses. Suite à leur mariage, ils ont choisi de construire leur maison sur les terres d’Esteban, dont les frères et sœurs vivent aussi à la réserve Alto Laguna.

Daniela allume un feu de bois pour faire chauffer les marmites. Il n’y a pas d’électricité dans la maison, seul le lodge en est pourvu. Le repas est placé sous le signe du partage : les Guaymis nous offrent le riz, le poulet et les rafraîchissements, en échange nous accompagnons ces mets de légumes. Ils en sont d’ailleurs ravis, les légumes étant chers, ils n’en achètent qu’une fois toutes les 2 semaines. Un comble pour une ethnie qui vit traditionnellement d’agriculture ! C’est que l’homme blanc est passé par là… En 1964, la construction de la route Transamerica transporte les colons dans des régions enclavées, peuplées d’indigènes Guaymis, les chassant de leurs vallées fertiles pour les cantonner aux terres arides des montagnes. Difficile, dans ces conditions, de cultiver selon ses besoins, même si les Guaymis continuent de récolter cacao, riz, haricots, maïs, huile de palme et fruits. Ils agrémentent également leurs cueillettes  de chasse aux oiseaux et aux pécaris.

Pourquoi les tribus ne se sont-elles pas rebellées quand l’homme blanc a décidé de subtiliser leurs terres ? Les Guaymis ne considèrent pas la terre comme leur possession, mais comme un bien prêté par Dieu. De ce fait, ils quittèrent à chaque fois leurs territoires sans opposer de résistance à l’envahisseur. Il faut attendre 1977 pour qu’une loi protège 22 territoires cédés aux populations indigènes, dont 4 aux tribus Guaymis. Néanmoins l’application de cette loi laisse encore à désirer, ces territoires restant toujours occupés par de nombreux non indigènes.

Les colons n’ont pas apporté que souffrance aux peuples indigènes, si l’on considère que la modernité ne constitue pas un fléau pour l’identité culturelle des peuples. Depuis quelques années, les non indigènes aident les tribus à améliorer leurs constructions de façon à ce qu’elles résistent aux intempéries. Aux huttes couvertes de feuilles de palmiers, construites à même le sol, se sont substituées ou ajoutées des maisons plus solides en bois, au toit de métal, montées sur des pieux qui les surélèvent du sol. Les Guyamis ne sont désormais plus la proie d’inondations ou d’attaques d’animaux. Les toilettes ont remplacé les latrines.

Daniela n’a pas tout de suite fait l’unanimité au sein de la communauté. Même si la mère d’Esteban a donné son consentement au mariage, les autres Guaymis l’ont d’abord mise à rude épreuve. Outre les réticences communautaires, la famille Carrera a également fait les frais de lois indigènes strictes. En effet, pour avoir épousé une non indigène, Esteban n’a plus le droit d’exercer une fonction importante au sein de la réserve, ni d’acquérir d’autres terres, ce dont le couple s’accommode bravement.

Autrefois, les Guaymis transmettaient leur savoir et leurs croyances de génération en génération par voie orale. Aujourd’hui, les enfants Carrera suivent les cours de l’école de la réserve, tenue par des enseignants qui viennent en majorité de la ville. Tous les habitants parlent le guaymi mais les cours sont dispensés en espagnol. Autre symbole d’une volonté des indigènes de maintenir leur identité culturelle tout en intégrant la société costaricienne moderne, les Guaymis sont l’une des rares tribus où les femmes portent toujours avec fierté les vêtements traditionnels : des robes très colorées et confectionnées à la main à partir de tissu acheté en ville. Même Daniela en a appris les secrets !

Daniella tresse un sac guaymiAujourd’hui, la Suissesse est mère au foyer et, à l’instar des autres femmes du village, elle accueille les touristes et vit d’artisanat (sacs, bijoux). Elle se plaît dans cette nature et le confort ne lui manque aucunement. Notre hôte lave les vêtements à la main. Elle possède bien une machine à laver pour le linge des chambres du lodge, lorsqu’elle accueille des groupes de touristes, mais l’appareil trône actuellement dehors, à l’entrée de la réserve… en panne. Il faut attendre que le chemin qui mène au Tamandu Lodge sèche complètement pour espérer qu’une voiture ne parvienne jusqu’à la tribu !

Vous aurez compris pourquoi les Guaymis ne peuvent se passer de leurs chevaux ! Et c’est tout naturellement à dos de canasson que nous quittons la réserve pour rejoindre La Palma.

Comment tresser un sac ?

Sac tribu guaymi1. Extraire les fibres des feuilles de pita (en les raclant avec un morceau de bois dur contre un tronc d’arbre) ou de l’écorce des arbres (en les plongeant dans l’eau pendant 15 jours).

2. Colorer les fibres à partir des pigments naturels obtenus par la macération des feuilles d’arbre, des fleurs, des fruits, des racines.

3. Tresser les fibres sur ses jambes (attention aux poils !) pour en faire des ficelles.

4. Vous êtes prêts à broder votre sac !

Patience, il vous faudra 1 mois pour arriver au bout de votre entreprise artisanale…

Source : http://www.costarica-nature.org ; recensement INEC 2000

Pour y aller : http://www.tamandu-lodge.com