En partant de Pushkar, la « porte du désert », sur la route qui mène à Kota, on passe par une région à la végétation luxuriante, d’où est puisée l’eau qui irrigue Pushkar, avant d’arriver à Bundi. De la route, Bundi fait figure de ville romantique, avec ses maisonnettes bleues à toits ouverts, et son fort construit sur une colline, comme une protection de la ville. Les voyageurs étrangers qui s’attardent dans cette ville, en dehors du circuit touristique habituel au Rajasthan, visitent essentiellement le Fort Taragargh et le palais. Et pourtant, rien de tel que de s’échapper hors des sentiers battus et de déambuler autour du lac Jait Sagar et dans les ruelles bordées de maisons aux couleurs azur pour s’imprégner de l’ambiance de la cité, plus calme que ses voisines. Récit de ces 4km de marche.

Inde Bundi palaisInde Bundi palais peinture

Les Indiens ne viennent pas au Shikar Burj, au nord-est du lac Jait Sagar, pour visiter les ruines de ces anciens quartiers de chasse, envahies par des singes agressifs, mais pour pique-niquer à ses abords. Sur le chemin, juste avant le lac, je croise une école publique et quelques maisonnettes au bord de la route, construites en béton ondulé, colorées de bleu et vêtues d’un toit de paille. A la vue d’une occidentale, les enfants accourent en criant « Hello ! Hello ! ». Pour une fois, ils ne me demandent pas de l’argent mais des stylos et du chocolat ! Malheureusement je n’ai qu’un stylo à offrir et ils sont trois. Une petite fille et un petit garçon me l’arrachent littéralement des mains et tirent mutuellement dessus en criant, jusqu’à le casser ! Pour tenter de les consoler, je leur propose une boîte de chewing-gum (baptisé aussitôt « ti-kum »), en leur mimant la façon dont il faut les mâcher sans les avaler. Je garde la boîte en carton dans ma main en tentant de leur expliquer de ne pas se battre, il y en aura pour tout le monde. Bien mal m’en prend, les enfants déchaînés me griffent jusqu’au sang pour récupérer le précieux objet et les chewing-gum finissent par tomber par terre ! Ce qui ne les empêche absolument pas de les ramasser…

Inde Bundi maison 1Inde Bundi maison 2

Plus loin, une autre bande d’enfants qui a assisté à la scène m’accoste pour récupérer des « ti-kum ». Ils sont convaincus que les « blancs » se baladent avec une cargaison de la précieuse marchandise pour nourrir tout le pays ! J’essaie de leur expliquer que je n’en ai plus, ce qui ne les empêche pas de me suivre sur plusieurs dizaines de mètres en criant « ti-kum ! ti-kum ! ». Ils n’hésitent pas à ouvrir et à fouiller les poches de mon sac, allant jusqu’à me voler un élastique pour les cheveux pour l’échanger contre des « ti-kum » ! La manœuvre ne fonctionne pas, mais la petite fille aura gagné un élastique ! Rappelée à l’ordre par un adolescent qui doit être son frère, elle finit par rebrousser chemin.

Inde Bundi lacDifficile de trouver un coin sympa pour s’arrêter sur les berges du lac Jait Sagar. Les rares entrées aux abords du lac sont occupées par des vaches sacrées et leurs bouses, accompagnées comme dans toutes les ruelles des villes et des villages par leurs compagnons les chiens errants et les singes agressifs, qui déambulent en toute liberté au milieu des badauds, des motos et des rickshaws. Parfois on se demande même qui a la priorité ! Une chose est sûre, ce ne sont pas les passants… Ailleurs, de jeunes hommes torse nu m’invitent à me baigner avec eux. D’autres berges sont jonchées de détritus. Plus loin, des hommes sont en train de laver leur linge dans le lac. Ils frottent les vêtements sur la pierre des escaliers, les trempent  dans l’eau, les frappent de toute leur force sur les marches, avant de les suspendre sur la grille qui protège les abords du lac.

Inde Bundi maisons bleuesPuis je marche quelques kilomètres dans la ville, loin des ruelles touristiques. J’y croise des femmes en sari accroupies et des hommes à moustache en pleine conversation sur le perron de leur porte bleue. Je traverse des rues bordées de petits stands d’eau et de sucreries. J’écoute les marchands de persil ou je ne sais quelle herbe crier à la rue qu’ils passent en poussant avec difficulté leur carriole dans les montées. Les jeunes et les familles se déplacent dans les ruelles escarpées à trois ou cinq par scooter, sans casque, en me hélant au passage. J’aime ces échanges de sourires francs avec ces vieilles dames en sari, il y a comme une solidarité entre nous, du fait de notre sexe, et ce malgré nos différences culturelles.

Je suis bien heureuse de retrouver le quartier touristique pour le déjeuner : sous ce soleil de plomb, je  donnerais tous les « ti-kum » du monde pour un ventilateur !