Ce qui est compliqué en Inde, ce n’est pas d’obtenir un permis… mais de trouver la personne qui le délivre !

A peine arrivées à Koraput en Orissa, nous nous dirigeons vers l’office du tourisme. Notre but : trouver un guide pour explorer les villages peuplés de tribus primitives alentour. Nous sommes accueillies par un homme qui ne parle pas un mot d’anglais, mais nous fait comprendre de revenir le lendemain matin à 10H, à l’ouverture du bureau. Pourtant il est 15H et l’office du tourisme est censé être ouvert jusqu’à 17H. Soit…

Notre deuxième source d’information : les hôtels. Les employés nous préviennent qu’il est nécessaire de rencontrer le collecteur pour la délivrance d’un permis. En effet, les collines de la région de Koraput sont peuplées de Naxalistes, un mouvement d’extrême gauche essentiellement composé d’intouchables et de membres de tribus, qui peuvent potentiellement séquestrer des touristes dans le but d’obtenir des privilèges de la part du gouvernement. Nous nous dirigeons donc vers le bureau du sous-collecteur qui, bienveillant, passe un certain nombre de coups de fils et finit par nous arranger une rencontre avec Niranjan Triparthy, guide officiel de Koraput. Ce dernier nous rejoint à l’hôtel à 19H30 et nous annonce que sans permis, il ne peut nous mener nulle part. Il y a quelques formalités dont il faut s’acquitter, comme écrire une lettre de motivation et apporter les photocopies de son visa et de son passeport. Notre guide peut s’en arranger pour nous, ce qui prendrait 2 ou 3 jours, mais il nous conseille de faire pression auprès du collecteur en précisant que, étudiantes étrangères (heureusement que je ne fais pas mon âge !), nous ne pouvons nous permettre de prolonger notre séjour à Koraput.

Le lendemain matin, à l’ouverture, nous nous rendons au bureau du collecteur. On nous annonce qu’il n’est pas là, mais que nous pouvons le trouver dans sa résidence, à quelques dizaines de mètres. Sa belle et grande demeure est gardée par deux agents de sécurité présents à deux portails différents, qui nous laissent passer sans autre forme de vérification. A l’intérieur du bâtiment, pas de collecteur. Un membre de son équipe nous informe qu’il est parti en tournée et qu’il ne sera disponible que dans une fenêtre de tir très réduite, de 15H à 16H. Soit…

Nous revenons à la résidence du collecteur à 15H pétantes. Cette fois-ci, nous devons négocier pour que les gardiens daignent nous laisser passer ! A l’intérieur, on nous informe que le collecteur est en réunion… et que nous ne facilitons pas le travail de son équipe à venir ainsi exiger un permis pour le lendemain si tard ! La bonne blague, ça fait quand même 24H que nous essayons désespérément de mettre la main sur sa Sainteté le Collecteur pour qu’il nous délivre le précieux sésame ! Notre interlocuteur est néanmoins conciliant. Il appelle l’office du tourisme… il n’y a personne…

Vous comprenez, c’est l’heure du déjeuner, les employés vont manger entre 13H30 et 14H30.

Euh… non, on ne comprend pas, il est 15H30 !!!

Il finit par appeler notre guide. Disponible dans le quart d’heure, il vient lui aussi remplir quelques formalités administratives, avant que l’équipe du collecteur se charger d’obtenir la signature de sa Sainteté.

Et ça fonctionne ! Le soir même, nous détenons le précieux laissez-passer ! Sauf que… notre guide est allé le récupérer à l’office du tourisme, où on lui a demandé de verser 2000 roupies (l’équivalent de 30€) à la Croix Rouge. Une sorte de pot-de-vin pour que le responsable de l’office puisse se faire mousser. Mais Niranjan et notre chauffeur ne gagne à eux deux que 7200 roupies sur deux jours de visite, soit l’équivalent de 100€, un montant bien trop dérisoire pour en investir le tiers dans des œuvres sociales ! Notre guide finit par s’en sortir, mais le responsable de l’office du tourisme l’informe que c’est la dernière fois qu’il lui donne un permis sans investissement financier…

Pour aider Niranjan dans son combat contre le chantage, nous signons une lettre à l’attention du ministre du tourisme indien et tournons une petite video. Espérons qu’il obtiendra gain de cause, car un séjour à Koraput vaut vraiment le coup !